Voici la retranscription d’un court extrait (P212 à 214) d’un article publié dans le N° 311 des « Annales de haute Provence » du 1er trimestre 1990, article rédigé par monsieur Patrice Alphand, intitulé:
« L’instruction primaire dans un village Bas-Alpin
de Guizot à Jules Ferry
L’école à Thoard de 1833 à 1881″
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« Vie Scolaire
L’école au quotidien : où se tient-elle? Quel enseignement était dispensé aux petits thoardais ?
LES LOCAUX
La loi Guizot se préoccupa aussi du local scolaire, et donnait six ans aux communes pour en devenir propriétaires. Même après la fonctionnarisation complète des instituteurs les communes devront s’en charger. C’est là l’un des problèmes majeurs pour les communes pauvres, le local était souvent très médiocre, les écoles dans les étables n’appartenaient pas toujours à un passé lointain.
Au hameau de Saint-Martin, l’école avait, raconte l’instituteur Giraud, changé cinq fois de place en douze ans. Lorsqu’il envoie ses doléances au préfet, à côté de son logement de fonction, il décrit aussi le local scolaire proprement dit. « La salle d’école n’a que 50 mètres cubes de capacité pour une population de 35 à 40 élèves, d’une moyenne d’âge de 12 ans environ, au lieu de 100 mètres cubes comme elle devrait avoir afin de donner une moyenne d’air de deux mètres cubes et demi environ à chaque élève afin qu’il pût respirer librement ».
L’école n’a pas non plus de lieu d’aisance, « les enfants pour satisfaire à leurs besoins naturels sont obligés de rester exposés à la bise ou à la chaleur, à la vue de tous les passants ».
Cette école est enracinée dans la vie rurale, « elle se trouve au milieu des terres en culture où les enfants ne peuvent détourner le pied sans s’exposer à se faire insulter et entendre des blasphèmes affreux ».
Giraud a même dû louer à ses frais un morceau de terrain et admettre les enfants des propriétaires gratuitement à l’école.
Non loin de l’école se trouve une écurie avec des étalons, qui devient au printemps, au moment de l’accouplement des montures, un « théâtre d’immoralité pour les enfants ». De plus à côté de l’écurie il y a une auberge « où se disent les paroles les plus grossières et les seules qu’on puisse entendre et cela sans gêne, en présence des enfants qui sortent pendant la classe ou pendant les récréations, et que malheureusement ils n’oublient pas si facilement qu’une leçon de morale ou un beau trait d’histoire ».
Dans cette école de hameau mixte les enfants des deux sexes ne peuvent être, conformément au règlement, séparés d’une cloison car la petitesse de la salle de classe ne le permettait pas.
Pour l’année 1859 on dispose d’un état de situation des maisons des écoles : les quatre écoles de la commune ont entre 22,50 et 27,50 mètres carrés, seule celle de Vaunavès a un préau couvert, seule celle du chef-lieu de Thoard dispose de latrines, encore sont-elles en mauvais état.
Il y a un crucifix dans la salle de classe de Vaunavès, et dans l’école des filles de Thoard un crucifix et une image de la Vierge.
LES ECOLIERS, LE RYTHME SCOLAIRE
Les écoliers ont vu leurs effectifs croître au cours du siècle. L’âge moyen des élèves de l’instituteur Giraud était de douze ans dans les années 1860, en 1859 sur 140 enfants scolarisés dans la commune, 20% ont plus de treize ans.
Même si les écoles sont bien réparties sur la commune les enfants qui habitent les fermes isolées ont des difficultés à se rendre à l’école, chose pénible l’hiver même s’il n’y a jamais beaucoup de neige. La traversée des torrents au moment des crues est dangereuse pour les enfants; l’instituteur doit se charger de les faire traverser : « dans la saison, dit Giraud, je suis obligé d’en passer plusieurs sur le dos un torrent voisin où se trouve une mauvaise planche sous laquelle souvent ne passe que la moitié de l’eau; et cela non pas seulement une fois mais plusieurs jours de suite ». (archives départementales V T 1 C, art 9)
A midi les enfants mangeaient sur le bord du chemin, ils n’avaient pas à Saint-Martin de fontaine dans le quartier pour boire pendant leur repas. »
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