En hommage à Alexandre Arnoux, dignois méconnu, membre de l’académie Goncourt de 1947 à sa mort en 1973, Grand Prix National des Lettres en 1956, Grand Prix National du théâtre et de la Société des artistes en 1964, la SSL a publié en 1994 un hors série de ses Annales de Haute Provence, le n° 326.
Alexandre Arnoux est né à Digne en 1884, de parents bas-alpins. Il quitte le département à l’âge de 2 ans mais y revient régulièrement pour des séjours chez ses grands-parents. Homme de lettres, poète, dramaturge, traducteur, journaliste et rédacteur en chef de la revue de cinéma « Pour vous », il est également scénariste et dialoguiste de films.
Il est mobilisé pendant les 2 conflits mondiaux et reçoit la Croix de Guerre 14-18 et est nommé Commandeur de la Légion d’Honneur en 1964.
Voici quelques extraits de ce hors-série :
Biographie par les textes (page 15) :
» 27 février 1884 : Digne, la ville où je suis né… Voici donc une ville qui a choisi son rocher, au confluent de deux rivières, au seuil des Alpes, qui s’est agglomérée comme une ruche, alvéole par alvéole… Elle regarde, de loin, les neiges éternelles et se contente, pour soi, des provisoires; le dernier olivier l’habite qui n’ose pas pousser ses surgeons vers le nord, qui les rabat au midi où sont les marchands d’huile, la Méditerranée et les bouillabaisses.
Le chemin de fer non plus ne la dépasse pas; où irait-il ?
Que faisait cette bourgade pendant la période préhistorique; et l’historique, l’Antiquité, le Moyen-Age, les Temps Modernes ? Elle attendait, parbleu, que je naisse, rue Mère-de-Dieu. »
Alexandre ARNOUX répond au questionnaire de Proust (pages 85 à 87) :
- Quel est pour vous le comble de la misère ? Avoir de l’argent et pas de désirs.
- Où aimeriez-vous vivre ? N’importe où, pourvu qu’il y ait des arbres, de l’eau, des hommes, des livres.
- Votre idéal de bonheur terrestre ? Ne pas être comblé, avoir une marge de bonheur imaginaire.
- Pur quelles fautes avez-vous le plus d’indulgence ? Les miennes.
- Quels sont les héros de roman que vous préférez ? Huon de Bordeaux et Julien Sorel.
- Vos héroïnes favorites dans la vie réelle ? Un certain type de femme moderne, forte, non empâtée, lucide et bien entrainée à la vie.
- Vos héroïnes dans la fiction ? Chimène, Hélène de Troie, et Molly Flanders. Ce trio représente bien l’éternel féminin.
- Votre peintre favori ? Velasquez.
- Votre musicien favori ? Mozart.
- Votre qualité préférée chez l’homme ? L’humanité.
- Votre qualité préférée chez la femme ? La féminité.
- Votre vertu préférée ? Toutes celles que je ne possède pas. L’énumération serait trop longue.
- Votre occupation préférée ? Ne pas en avoir.
- Qui auriez-vous aimé être ? Le moi-même que je rêve et que je ne suis pas.
- Le principal trait de mon caractère ? La constance sous une apparence de diversité.
- Ce que j’apprécie le plus chez les amis ? L’amitié.
- Mon principal défaut ? Le doute de moi-même mêlé à une confiance exagérée en moi, le tout s’embrouillant dans une extrême confusion où, parfois, mes actes s’enlisent.
- Mon rêve de bonheur ? Avoir des malheurs grandioses, à la mesure de mon orgueil enfantin.
- Quel serait mon plus grand malheur ? Ne pas croire, chaque fois, sans que l’expérience me décourage jamais, ne pas croire, dis-je, quand j’ai raté un livre, que le prochain sera réussi.
- Ce que je voudrais être ? Cela dépend des jours. Tantôt Achille et tantôt Thersite. Il faut de tout pour faire un monde.
- La couleur que je préfère ? Le bleu turquoise presque vert.
- La fleur que j’aime ? Le plantain.
- L’oiseau que je préfère ? Le Tchirouli, qui n’est pas plus gros qu’une abeille, qui habite le Vénézuela et que je n’ai jamais vu.
- Mes auteurs favoris en prose ? Montaigne et Pascal.
- Mes poètes favoris ? Boileau, Baudelaire et Mallarmé.
- Mes héros dans la vie réelle ? Ces anonymes patients qui, à l’écart de toute gloire, construisent leur époque.
- Mes héroïnes dans l’histoire ? La Papesse Jeanne (qui n’a pas existé) et Cléopâtre.
- Mes noms favoris ? Gontran et Almanzor. Leur ridicule légendaire me ravit.
- Ce que je déteste par dessus tout ? La tiédeur.
- Caractères historiques que je méprise le plus ? Les faux Machiavels.
- Le fait militaire que j’admire le plus ? D’avoir, personnellement, pris part à deux guerres, et de n’en être pas mort.
- La réforme que j’admire le plus ? Celle que l’on fera demain et qui, contrairement aux précédentes, aura un résultat.
- Le don de la nature que je voudrais avoir ? La spontanéité absolue, qui ne se doute pas d’elle-même.
- Comment j’aimerais mourir ? Tard et vite.
- Etat présent de mon esprit ? Le détachement du passé, même si je l’aime, l’ouverture à l’avenir, même si je le crains.
- Ma devise ? A bon vin, pas d’enseigne (mais j’ai peur de ne pas le mériter).
(Dessin à la plume de la couverture réalisé par madame Frédérique Maillart, graveur en médailles.)