Cette nouvelle « Pépite de Chroniques » est tirée numéro 209 du Bulletin de la Société Scientifique et Littéraire paru en 1957, article rédigé par monsieur Raymond MOULIN. Texte intégral, pages 195 à 197.
QUELQUES ANCIENNES CROYANCES ET COUTUMES DE SAINT-JEANNET
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Précisons que St-Jeannet avait autrefois la réputation d’être le pays des sorciers ou plus exactement des jeteurs de sort.
Cette réputation était-elle méritée ? Il est maintenant bien difficile de le dire; en tout cas, les quelques croyances qui suivent ont disparu brutalement entre les deux dernières guerres. Les principales raisons ayant mené à l’abandon paraissent être en même temps que le développement de l’instruction la diminution des pratiques religieuses qui, pour beaucoup, se confondaient avec les superstitions païennes.
En présence de tout évènement surnaturel, ou du moins qui paraissait tel, il fallait prononcer à voix haute : « se siès buon’ama escleira me, se siès marie retira te » – (si tu es une bonne âme éclaire moi, si tu es une mauvaise, retire toi).
D’autre part, il était défendu ou du moins considéré comme très dangereux de sortir entre minuit et le « chant du coq ».
A table, pendant les repas, interdiction de parler des loups. D’ailleurs ces fauves ont laissé de nombreuses traces dans la toponymie de la région. Chaque commune possède son ravin ou son quartier du loup ou de « naraloup », ce dernier nom pourrait peut-être représenter un lieu où l’on plaçait des pièges pour ces animaux.
A table, également, il était expressément défendu de placer le pain à l’envers, c’est à dire sur sa face supérieure, ceci étant, paraît-il, une façon de faire des prisonniers.
Contre les orages, la foudre, la grêle, on allumait un cierge devant une statue ou une image pieuse tandis qu’au dehors on faisait brûler de « l’herbe de St Jean » (mille-pertuis commun) dont une réserve existait toujours au grenier. Pour certains cette plante devait non pas brûler complétement mais produire seulement une épaisse fumée.
Un remède contre la gale : se rouler dans l’herbe humide de la rosée le matin de la St Jean, le 24 juin.
Le feu de la St Jean qu’on devait sauter rituellement était lui-même allumé avec trois plantes différentes : l’herbe de St Jean obligatoirement et deux autres au choix telles que lavande et thym, mais tout ceci avait été cueilli le24 juin avant le lever du soleil.
Peut-être l’importance accordée à cette herbe de St Jean était-elle due à ce que le pays est placé sous le vocable de ce saint.
Et maintenant quelques recommandations :
- Biner les aulx et marquer les agneaux pour la St Marc, le 25 avril.
- Semer les haricots la semaine de l’Ascension. Pendant les rogations, on plaçait dans les champs de petites croix de bois préalablement bénies.
- Ne pas monter aux arbres à la St Michel le 29 septembre.
- Ne pas chasser pour la Noël et aussi pour la Toussaint où une lampe restait allumée dans la maison toute la nuit.
- Ne pas faire labourer les animaux de trait à la St Eloi, le 1er décembre.
Lors de la Noël existait la coutume de la bûche calendale. Vers 17 heures, le 24 décembre, on plaçait dans la cheminée un volumineux tronc d’arbre, chêne ou amandier de préférence, de façon à ce qu’il soit bien embrasé avant le repas. A ce moment le plus jeune membre de la famille versait un peu de vin sur le bois.
Après le repas, la table restait recouverte de tous les plats et desserts « pour que les anges puissent au cours de la nuit avoir leur part de friandises », et pour terminer sur une note comique, il est arrivé que l’aïeule remettait sur la table les plats que sa belle-fille, plus « moderne », venait d’enlever…
Raymond MOULIN